Un mois dans le Monde : que s’est-il passé en mai ?
Trump sort de l’accord sur l’accord nucléaire iranien : un défi pour l’Europe
Le mardi 8 mai, le président américain Donald Trump annonce qu’il ne certifie plus l’accord nucléaire iranien et rétablit les sanctions contre Téhéran abandonnées suites au plan (restriction des services financiers des banques américaines envers l’Iran, interdiction des entreprises étrangères de collaborer avec l’Iran). Promesse électorale de ce dernier, le retrait des États-Unis d’un accord « désastreux » oblige les autres pays signataires à revoir leurs positions sur l’accord nucléaire, sous peine de sanctions lourdes par les États-Unis. Quelles sont les conséquences du retrait des États-Unis de l’accord nucléaire iranien pour l’Europe ?
L’accord de Vienne sur le nucléaire iranien aussi appelé le plan d’action conjoint est un accord signé le 14 juillet 2015 à Vienne par les cinq membres permanents du conseil de Sécurité des Nations unis, les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni plus l’Allemagne, signé aussi par l’Union Européenne et par l’Iran. Cet accord contrôle le programme nucléaire iranien et lève les sanctions économiques du pays.
Presque que tous les signataires de l’accord déplorent la décision de Trump mais ce n’est pas le cas pour certains pays du Moyen-Orient alliés des Etats-Unis comme le Soudan, l’Egypte qui soutiennent la décision du président américain. Ce retrait impose aux entreprises de revoir leurs positions avec l’Iran dans les trois à six mois qui suivent l’annonce de Trump sous peine de recevoir des « sanctions les plus dures de l’histoire ». Même si les chefs d’États européens assurent que l’accord iranien est toujours d’actualité, de nombreuses entreprises comme Total, sous la pression américaine décident de lâcher l’Iran pour ne pas recevoir les foudres de ce dernier. En France, ce sont les entreprises automobiles qui risquent d’être les plus touchées, leurs transactions avec l’Iran représentent plus d’une vente sur 4.

La démission des États-Unis pour l’accord iranien met l’Europe dans une position délicate. En effet, le vieux Continent est partagé entre ses accords commerciaux avantageux avec l’Iran et la première puissance mondiale qui veut faire régner sa loi. L’Europe doit maintenant tenir tête et s’imposer face à eux, pour montrer que le vieux continent n’est pas sous la coupe de la première puissance mondiale, que ce n’est pas les Etats-Unis qui décident de tout. Le président français, Emmanuel Macron essaie de négocier avec les États-Unis sur la création d’un « accord plus large en réfléchissant de manière différente ». Ce nouvel accord, qui viendrait s’ajouter à celui déjà existant, permettrait d’apaiser les « craintes » de Donald Trump en maintenant l’interdiction d’enrichissement de l’uranium pour fabriquer l’arme atomique. L’enjeu est devenu capital, il faut apaiser les tensions au Moyen Orient et essayer de garder un lien diplomatique avec l’Iran. Mais l’Europe saura-t-elle faire face aux États-Unis ?
Emma Gatse
Arménie : trois semaines pour une « révolution de velours »
La première « révolution de velours » avait eu lieu en Tchécoslovaquie en 1989. Le changement de régime s’y était fait sans effusion de sang et quelques semaines plus tard, le célèbre dissident, Vaclav Havel, était élu par le Parlement sous domination communiste. La seconde s’est déroulée en Arménie, petite république du Caucase d’un peu plus de trois millions d’âmes, après trois semaines de manifestations pacifiques dans tout le pays et plus particulièrement dans la capitale Erevan. Elle a abouti à l’élection au poste de Premier ministre de l’opposant Nikol Pachinian par l’ancienne majorité, au pouvoir depuis la chute de l’URSS.
Tout commence en 2015, lorsque Serge Sarkissian, président de la République depuis 2008, transforme l’Arménie en république parlementaire, confiant le pouvoir exécutif qu’il détenait jusqu’alors au Premier ministre. Un changement qui, selon l’opposition, n’a qu’un but : se maintenir au pouvoir alors qu’il ne pouvait pas se représenter à la prochaine élection présidentielle – la Constitution limitant le nombre de mandat à deux. Une manœuvre qui n’est pas sans rappeler celle de Vladimir Poutine qui avait laissé son fauteuil à Dimitri Medvedev entre 2008 et 2012. Lors des élections législatives d’Avril 2018, le Parti républicain d’Arménie (HKK) du Président obtient la majorité au Parlement, malgré des soupçons d’achats de voix et d’intimidation des électeurs dénoncés par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Et comme tout est bien qui finit bien, M. Sarkissian est élu Premier ministre le 17 avril, provoquant un colère monstre dans l’ensemble de la population : des dizaines de milliers de personnes manifestent à l’appel de Nikol Pachinian, charismatique opposant de 42 ans.
Nikol Pachinian avait raison. Et moi, je me suis trompé.
a déclaré M. Sarkissian
Après une première rencontre infructueuse entre les deux hommes et une pression croissante de la rue arménienne avec les militaires qui se joignent au mouvement, le premier ministre démissionne le 23 avril. « Nikol Pachinian avait raison. Et moi, je me suis trompé » déclare M. Sarkissian, provoquant une joie intense dans tout le pays. La voie est libre pour Nikol Pachinian, qui se dit alors prêt à gouverner. Mais tout n’est pas si simple, puisqu’une semaine plus tard, le Parlement toujours dominé par le HKK du premier ministre démissionnaire rejette la candidature de M. Pachinian. Ce dernier appelle dès lors « au blocage total » du pays et « à la désobéissance civile ». Cependant, dès le lendemain, l’opposant met fin aux manifestations en annonçant un accord avec quatre autres forces politiques pour une élection le 8 mai. Et cette fois, pas de surprise, le Parlement élit Nikol Pachinian après trois semaines d’une révolution de velours.

Ce changement brusque et inattendu marque la fin de la génération Comité Karabakh, qui s’était battue contre le communisme et dont étaient issus les trois présidents premiers arméniens. Le nouveau Premier ministre rassemble derrière lui une bonne partie de la jeunesse qui veut mettre fin aux pratiques despotiques du HKK, devenu un véritable parti-État. Néanmoins, ce ne sera pas chose aisée, tant la corruption est endémique. La célébration du centenaire de la République il y a quelques jours et l’organisation du sommet de la Francophonie en octobre en présence d’Emmanuel Macron pourraient en tout cas aider l’Arménie à tourner la page.
Arthur Bijotat
Italie : quand la Botte botte en touche
Un mois dans le monde, mais bientôt trois mois que cela dure. Trois mois de péripéties aux rebondissements toujours plus inattendus, enfonçant l’Italie dans une crise politique qui laissera incontestablement des traces. Si le pays est abonné aux situations d’instabilité politique, la conjoncture actuelle ne présage rien d’apaisant pour les semaines, voire les mois à venir.
Un rapide retour sur les faits s’impose. Tout débute le 5 mars, tombent les résultats des élections législatives dont le scrutin s’est déroulé la veille. Bilan : aucune majorité ne se dégage au Parlement et deux partis se disputent la victoire. D’une part la Ligue, classée à l’extrême droite de l’échiquier politique, parti majoritaire de la coalition de droite (avec Forza Italia de Silvio Berlusconi et Fratelli d’Italia) arrivée en tête avec 36 % des suffrages exprimés. Suit le Mouvement 5 étoiles (M5S), qui se positionne ouvertement en dehors du système de partis pour s’adresser directement au peuple, empochant à lui seul 32 % des voix. Leurs chefs de file ? Respectivement Matteo Salvini et Luigi Di Maio. Un revers pour les partis dits « traditionnels », notamment la gauche démocrate devenue inaudible en recueillant 19 % des voix (deux fois moins qu’en 2013), poussant Matteo Renzi à la démission. C’est alors que débute une bataille dont la finalité est d’offrir au pays un équilibre politique et un gouvernement stable. En vain.
En effet, trois mois après, l’Italie n’a toujours pas de gouvernement.
Initialement, les premiers accords au Parlement s’annoncent de bon augure : la Ligue obtient la présidence du Sénat, le M5S celle de la chambre des députés. Si les deux partis se rassemblent sur un point, c’est sur leur désamour pour l’Europe : tous deux anti-européens, leurs leaders parviennent début mai à conclure un « contrat pour un gouvernement de changement » qui amènerait à la « renégociation des traités ». Prévoyant des dépenses faramineuses, celui-ci s’affiche en totale incompatibilité avec le cadre actuel de l’Union. En conclusion, des annonces très floues, apparaissant puis disparaissant. Soit.
C’est là que les choses se compliquent. Di Maio et Salvini se revendiquant tous deux légitimes pour le poste de président du Conseil (Premier ministre), leur guerre d’ego aboutit finalement à la nomination d’un tiers : Guiseppe Conte. Nous sommes alors le 21 mai. Juriste inconnu du grand public, Conte est chargé de former un gouvernement devant recueillir l’aval du Président Mattarella. Échec. Ce dernier appose son veto sur la nomination d’un europhobe à l’Économie et fait appel à un ancien du FMI, Carlo Cottarelli, pour reprendre la tâche avortée suite à la démission de Conte. « Le gouvernement sera neutre, assurera une gestion prudente des comptes publics et retiendra comme essentielle la participation de l’Italie à l’euro », déclare l’intéressé. C’est ici que la soi-disant primauté de la souveraineté populaire pose question. Les Italiens sont allés aux urnes en donnant leur assentiment pour une politique, certes alarmante et menaçante vis-à-vis de l’UE, mais remise en cause par le Président qui, dans son droit le plus complet, la refuse et permet la formation d’un gouvernement idéologiquement opposé à celui d’origine. Pas pour longtemps.

Énième retournement de situation : en revenant avec une liste nouvelle de noms sous le bras quatre jours après sa démission, Conte parvient à recevoir l’approbation du Président, contraint d’accepter cette proposition.
Désormais investi, le Premier ministre et son gouvernement « gialloverde » (« jaune et vert », les couleurs symboliques des Cinq étoiles et de la Ligue), avec Salvini et Di Maio comme vice-premiers ministres, s’apprêtent à diriger un pays remonté contre la politique européenne d’immigration, mais également menacé par la fragilité d’une économie dans la tourmente. Ces mois de crise auront néanmoins permis d’exacerber les contradictions bruxelloises. L’UE parviendra-t-elle à se remettre en question face à la montée des populismes et des critiques venant de toutes parts ?
Affaire à suivre…
Léa Ilardo
A Gaza et à Jérusalem, Trump et Netanyahou fossoyeurs de paix
Lundi 14 mai, des milliers de manifestants Gazaouis se massaient à la frontière israélienne pour manifester contre le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem. Cette « marche du retour » pacifique a été réprimée dans le sang par Tsahal (1) faisant 59 morts et près de 1 400 blessés. Plus que jamais, la solution à deux États paraît lointaine, et plus que jamais, la stratégie jusqu’au-boutiste entreprise par le gouvernement israélien fait ressurgir les souffrances du peuple palestinien.

Depuis 2007 et la prise de pouvoir du parti islamiste Hamas, les Gazaouis sont étouffés par un blocus naval et terrestre, en sus de l’isolement politique du territoire par rapport à la Cisjordanie. Les timides rapprochement entre les deux partis politiques palestiniens, le Hamas et le Fatah, n’ont pas permis de réelles améliorations de la vie des habitants de la Bande. Avec un taux de chômage de près de 40% et un PIB par habitant deux fois moins élevé qu’en Cisjordanie, la tension sociale est palpable. La faute aussi à une gestion catastrophique du parti au pouvoir.
Toutefois, les politiques répressives successives menées par Israël n’ont fait qu’aggraver les choses, durcissant allègrement le blocus au gré des crises. Au lieu de chercher des solutions pacifiques, M. Netanyahou qui dirige le gouvernement le plus à droite de l’histoire du jeune pays, préfère fêter la naissance d’Israël et le transfert de l’ambassade américaine par un bain de sang.
Dès lors, la solution à deux États semble bel et bien enterrée, et l’histoire retiendra que MM. Trump et Netanyahou en ont été les derniers fossoyeurs. Il est certain que les partis politiques palestiniens ont leur responsabilité dans l’affaire, au moins par leur incapacité chronique à s’entendre, et par les vindictes belliqueuses du Hamas, qui promettait la mort d’Israël. Mais il faut objectivement reconnaître que le transfert de l’ambassade américaine est tout sauf un message d’apaisement.
Ce transfert a un effet double, et totalement contre-productif. Il piétine tous les traités internationaux et les résolutions successives adoptées par l’ONU sommant Tel Aviv de respecter le statut de la ville Trois Fois Sainte. Rappelons qu’à l’origine, le Plan de partage de la Palestine de 1947 et approuvé par l’ONU faisait de Jérusalem une ville sous contrôle international, aucune des parties n’ayant le droit de se l’arroger. Plus tard, à la fin de la guerre des Six Jours de 1967, la partition entre Jérusalem Ouest (Israélienne) et Jérusalem Est (Palestinienne) s’est imposée. Aujourd’hui, Israël s’octroie par le fait du prince, et toujours soutenu par les États-Unis, son contrôle total.
Cette démonstration de force d’Israël ne fait que plonger un peu plus les Palestiniens dans le désespoir et certainement dans la radicalisation. Mais qu’importe ! Qu’importe la situation humanitaire catastrophique, qu’importe les milliers de victimes ! Israël sera toujours soutenu par la « communauté internationale », d’une lâcheté sans nom, au nom d’un « droit à se défendre ». Quel qu’en soit le prix.
(1) Nom de l’armée israélienne
Clara Guillard
Réélection de Maduro au Venezuela : une victoire mais peu d‘espoirs
Nicolas Maduro a été réélu dimanche 20 mai pour six ans à la tête du Venezuela. Avec 68% des bulletins mais 52% d’abstention, des élections non reconnues par les candidats de l’opposition, la victoire de Nicolas Maduro et du PSUV (parti socialiste unifié du Venezuela) ne fait pas que des enthousiastes, ni parmi les vénézuéliens ni sur la scène internationale.
« Ils m’ont sous-estimé » a déclaré Nicolas Maduro à ses partisans. En effet, après trois ans de crise et de contestations, sa victoire a de quoi surprendre… en fait, surtout de quoi être contestée. Sous couvert démocratique en affichant les candidatures de deux de ses principaux opposants Henri Falcon et Javier Bertucci, le PSUV aurait installé des « points rouges », des tentes dans lesquelles les votants pouvaient récupérer une prime promise par le président après avoir voté. Avant même l’annonce des résultats, le principal adversaire du président, l’ancien gouverneur Henri Falcon, a annoncé ne pas reconnaître ce scrutin – ce qui explique en partie une abstention de plus de la moitié des 16 millions de Vénézuéliens appelés aux urnes. Il a également appelé à de nouvelles élections, injonction à laquelle s’est joint le troisième candidat Javier Bertucci. Incités au boycott par l‘opposition, corrompus par le PSUV, les Vénézuéliens retrouvent à la tête de l’Etat un Nicolas Maduro qui s’éloigne chaque jour un peu plus de son prédécesseur, feu Hugo Chavez.
Ancien chauffeur de bus puis leader syndical, Nicolas Maduro a pris la tête du PSUV à la mort d’Hugo Chavez en 2013. Il s’était alors donné pour mission de reprendre les rennes de la « révolution bolivarienne ». Rappelons que cette dernière consistait à réorienter la rente pétrolière (96% du PIB du pays) au profit d’une politique sociale poussée, faisant alors du Venezuela le pays le moins inégalitaire d’Amérique du Sud. Cependant, depuis la baisse du cours du pétrole en 2015, les Vénézuéliens font face à une crise sans précédent : une inflation explosive et des pénuries alimentaires leur ont fait perdre en moyenne 11kg au cours de la dernière année, poussant 3 millions d’entre eux à quitter le pays.
Après trois années de contestations et de désespoir, difficile pour Nicolas Maduro de transformer le scrutin en politique sociale. Difficile, d’un oeil occidental, de croire à une réélection légitime dans de telles circonstances et lorsque les principaux instituts de sondages lui octroient un taux d’impopularité de 75%.
Et ce n’est pas sur la scène internationale que pourra compter Nicolas Maduro pour espérer faire grimper sa côte de popularité : non reconnu par l’Union Européenne ni par le Groupe de Lima, en conflit permanent avec les Etats Unis, l’isolement risque de se faire encore plus prégnant après cette réelection dont les allures démocratiques ne suffisent à duper Etats voisins et plus lointains. L’Union Européenne a d’ailleurs déjà annoncé des sanctions contre le régime au pouvoir, conçues pour être ciblées et nuire aux dirigeants sans impact sur une population malmenée et fragile.
Si la réaction de l‘Union Européenne semble nuancée, temporaire et destinée à dissuader les atteintes au processus démocratique, on peut craindre les conséquences du durcissement des mesures prises par Donald Trump. Il interdit notamment aux citoyens américains et aux entreprises toute transaction sur la dette vénézuélienne, lui qui ne s‘affiche pas si regardant avec les dirigeants d‘Etats non moins douteux en matière de démocratie… mais financièrement plus avantageux.
Isma Le Dantec
image de couverture : © maxime bourstin pour l’alter ego/APJ