Cuba : Les Castro cèdent le pouvoir
Elu président le jeudi 19 avril 2018 avec 99,83% des suffrages, Miguel Diaz-Cànel succède aux Castro à la tête de l’île communiste. En apparence, c’est un changement historique : les Cubains ne sont plus dirigés par un Castro. Le président de 58 ans n’a pas connu la révolution. Mais cette caractéristique ne veut certainement pas dire que Miguel Diaz-Cànel est plus ouvert sur ce sujet. Loin de là, véritable produit du Parti Communiste où il a gravi les échelons, de premier secrétaire de la section provinciale de Villa Clara à ministre de l’Enseignement supérieur (2009-2012), le cadre du Parti a affirmé vouloir « défendre la révolution jusqu’à son dernier souffle ». Que peut alors espérer la jeunesse cubaine de ce nouveau dirigeant ?
Un pays qui s’ouvre peu à peu économiquement mais reste fermé politiquement
Depuis 2008, alors que Raul Castro succédait officiellement à son frère, Fidel, à la tête de l’Etat et du Parti communiste, le pays a connu d’importantes transformations économiques. Raul Castro a libéralisé 173 métiers, autorisé les Casas Particulares – des maisons de particuliers louées aux touristes -, et a créé des zones franches où les firmes internationales bénéficient de réductions fiscales importantes.
Ainsi, en 10 ans, le PIB cubain a été multiplié par 2. Mais la croissance économique d’environ 3% par an depuis 2008 reste insuffisante pour moderniser le pays. La levée partielle de l’embargo en 2014 par Barack Obama a, certes, été un signal fort d’un renouveau économique, mais n’a pas permis d’atteindre les objectifs de croissance de 7% annoncés par le Parti Communiste. Les infrastructures restent en effet dérisoires en comparaison du nombre de touristes – un peu plus de 3 millions en 2016. Les hôtels manquent d’eau chaude, les routes sont en très mauvais état et l’aéroport international de La Havane aurait bien besoin d’être restauré. Tout semble figé dans les années 60, au début de l’embargo américain mis en place par l’administration Kennedy en 1962.
Néanmoins le pays peut se targuer d’un système éducatif réussi, emblème du socialisme cubain. En effet, le taux d’alphabétisation approche les 100% selon l’UNICEF. L’île compte un médecin pour 151 habitants, soit le double de la France qui en compte 1 pour 299 habitants. Point fort de Cuba, une véritable diplomatie de la santé s’est ainsi mise en place. On estime que 40 000 médecins sont en exercice à l’étranger et de nombreux dirigeants sud-américains viennent se soigner à Cuba. De même, l’espérance de vie cubaine égale l’américaine : 79 ans.

La jeunesse cubaine est donc éduquée, c’est pourquoi certains attendent maintenant une ouverture politique ou du moins plus de liberté de penser, liberté politique, et liberté d’expression sur l’île. Quand on questionne les jeunes sur la vie politique de Cuba et sur leurs espérances, beaucoup n’osent pas critiquer le régime quand certains réclament tout de même une ouverture sur le plan politique. Cuba est 172ème sur 180 pays au classement mondial 2018 de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières. Internet reste très contrôlé par le régime. Le wifi est très cher et n’est disponible qu’à certains hotspots publics où il n’est pas rare de voir de nombreux jeunes fixés sur leur smartphone au côté des touristes afin de profiter de la précieuse connexion.
Une nouvelle ère s’ouvre-t-elle ?
Pour beaucoup, Miguel Diaz-Cànel représente un espoir d’ouverture. Il est l’héritier désigné de Raul Castro qui a lui-même entamé de grands changements dans l’île. Il est alors très probable que Miguel Diaz-Cànel poursuive cette politique d’ouverture. L’homme de 58 ans n’a cependant pas les mains complètement libres. Le parlement a fixé les grandes lignes de son mandat et rien ne laisse penser qu’une ouverture politique est prévue. De plus, Raul Castro reste premier secrétaire du Parti Communiste jusqu’en 2021. Les Castro ne sont pas complètement hors du pouvoir et on peut s’attendre à ce que la politique cubaine reste encore très contrôlée par le Parti Communiste Cubain.
De même, Miguel Diaz-Cànel ne tire sa légitimité que du bon-vouloir de Raoul Castro. Cette caractéristique fait de lui un homme faible entouré d’hommes forts au sein de l’État. En effet, il est le plus jeune des cadres et n’a aucune expérience de la guerre contrairement à beaucoup de généraux qui tirent leur influence de leur participation à la révolution.
Ce qui est certain, c’est que Miguel Diaz-Cànel doit satisfaire les attentes des anciens du Parti tout en répondant aux espérances de la nouvelle génération qui n’a pas connu la révolution. Il doit aussi remettre en état les infrastructures de son pays, et, pour cela doit s’ouvrir encore un peu plus économiquement. Cela a pour conséquence inévitable de créer un fossé entre ceux qui prennent part à cette libéralisation de l’économie et travaillent avec l’extérieur, et ceux qui vivent avec le salaire que l’Etat leur verse. On peut alors se demander si Miguel Diaz-Cànel mettra en place un socialisme de marché à la chinoise ou s’il s’efforcera de conserver cet idéal d’égalité économique et sociale qui est aux fondements même de la révolution cubaine ?
image de couverture : © Ulysse guttmann pour l’alter ego/apj