Une parade militaire pour l’Empereur des Amériques
Assis aux côté du président français dans la tribune d’honneur placée au centre des Champs-Elysées, Donald Trump était l’invité spécial du défilé de la fête nationale. Venu pour marquer le centenaire de l’entrée en guerre des États-Unis dans la première guerre mondiale, le chef d’État américain en prend plein les yeux. C’était le 14 juillet dernier, depuis le président américain ne rêve que d’une chose : avoir sa parade militaire à lui. Et malgré les nombreuses critiques, il semble bien parti.
Un 14 juillet enchanteur
Vraisemblablement peu séduit par la reprise de Daft Punk proposée par la fanfare en clôture du défilé, Trump a été conquis par tout ce qui lui a précédé. Depuis quelques semaines, le souvenir de ce 14 juillet 2017 à l’air de lui trotter dans la tête. Bien sûr, il n’a jamais essayé de cacher ses rêves de grandeur, ses excès et son envie de montrer une Amérique great. Mais depuis début février ce qu’il veut, c’est les montrer et même, pourquoi pas, les faire marcher au pas.
Selon la porte parole de la maison Blanche, le président aurait en effet demandé au département de la Défense d’étudier la création d’une cérémonie « pour rappeler au peuple américain et au monde entier la puissance de son armée ». Comme cette idée lui tenait à coeur, le 4 juillet, fête nationale aux Etats-Unis, lui a semblé être une date idéale. Mais comme il faut quand même être un peu réaliste, le Veterans Day, en novembre, a finalement été choisi dans la journée du 26 février pour accueillir la parade. Un premier budget a alors été estimé entre 10 et 30 millions de dollars. Une estimation large qui prend en compte les désirs du président, qui ne veut pas seulement faire défiler toutes les franges de l’armée mais aussi voir « plein d’avions dans le ciel ». Un tel tableau l’émerveille d’avance.
Mais à en croire la myriade de réactions qui a suivi l’annonce même de l’idée d’un défilé, il est bien le seul à avoir besoin d’une démonstration de force pour se sentir important. Un sondage récent de la Quinnipiac University*, estime en effet que 61% de la population américaine est contre cette idée, les critiques sont donc le fait d’une majorité.
Seul contre tous
Sur CNN, John Kirby, ex-porte-parole du Pentagone déclarait « Nous n’avons pas besoin de faire parader notre équipement militaire sur Pennsylvania Avenue pour le montrer à quiconque ». Dans la même idée, il est clair pour Paul Eaton, général à la retraite, qu’un tel défilé pour Trump « n’est pas destiné à saluer les militaires. Il est destiné à montrer les militaires le saluant. ». Plus récemment, après avoir reçu les premières propositions émanant de la Maison Blanche, la mairie de Washington aurait répondu très poliment « thanks but no tanks » en référence à l’artillerie censée parcourir la ville. Ajoutez à cela les railleries politiques allant de « truc ringard » côté républicain à « des millions pour un défilé futile qui boostera son ego pathétique » côté démocrate et vous avez un bonne idée de l’étendue du soutien apporté au projet. Dans son admiration, Trump semble avoir oublié que la seule raison d’un défilé de grande ampleur en France était traditionnelle, ce qui n’est pas le cas dans son pays.
Sans autre justification que « montrer la puissance du pays » et « honorer les soldats », la dépense de plusieurs dizaines de millions de dollars fait s’élever de plus nombreuses voix encore. Selon le même sondage de la Quinnipiac University, 78% des américains, dont 52% de Républicains pensent que cet argent pourrait être utilisé de façon plus utile par le gouvernement.
Que faire avec 10 millions de dollars ?
Pour utiliser cet argent autrement, ce ne sont pas les occasions qui manquent. Bernie Sanders avait par exemple fait une suggestion au président sur Twitter : « Eh, M. le Président, plutôt que de copier le défilé militaire de la France, pourquoi ne pas plutôt copier le système de santé français ? »
Hey, Mr. President: Instead of copying France's military parade, why not copy France's health care system? Health care for all, low-cost prescription drugs, much less expensive. https://t.co/zIrLjozEOI
— Bernie Sanders (@SenSanders) February 7, 2018
Une proposition qui entre bien sûr en résonance avec les attaques de Trump à l’Obama Care mais aussi avec des coupes budgétaires plus récentes. En novembre, la part allouée aux publicités et renseignements visant à inciter les Américains à souscrire à une couverture santé est passée de 100 à 10 millions de dollars. L’information sur la prise en charge médicale vaut donc, aux yeux de Trump, autant qu’un défilé pour se faire mousser. Défilé qui, au delà des hommes et des femmes engagés, mettra l’artillerie lourde et les armes à feu à l’honneur. Un « détail » qui aurait pu lui mettre la puce à l’oreille, surtout dans le contexte actuel.
Après la tuerie en Floride et l’apparition du #neveragain, symbole de la lutte contre les armes à feu aux États-Unis, on aurait pu espérer que la Maison Blanche se rende compte que faire parader toute sa puissance armée n’est pas vraiment une bonne idée, et encore moins une priorité. La contestation de plus en plus importante du poids du lobby des armes et de la NRA n’attend qu’une réaction de l’Etat et pourquoi pas par la suite une volonté officielle de limiter la commercialisation d’armes à feu. Une politique qui nécessiterait forcément un certain investissement. On a donc une nouvelle proposition pour Trump : plutôt que d’autoriser la vente d’armes et de faire défiler l’artillerie lourde dans les rues de la capitale, pourquoi ne pas plutôt jouer aux soldat de plombs et réinterpréter le deuxième amendement ?
*https://poll.qu.edu/national/release-detail?ReleaseID=2521
image de couverture : © John van Hasselt – Corbis via Getty images