Nicolas, jeune militant parisien manifestant contre le plan étudiants
La loi Vidal ne fait pas l’unanimité. Alors que le gouvernement nie l’instauration d’une sélection basée sur des « prérequis », la grogne monte dans les milieux lycéens et étudiants. L’Alter Ego a décidé de donner la parole à Nicolas, jeune étudiant et militant à la France Insoumise, qui a participé aux mobilisations du 1er février. Portrait.

Des raisons multiples de mobilisation
Nicolas a 20 ans. Il est étudiant en troisième année de physique à l’Université Paris Diderot, et milite à la France Insoumise depuis qu’il a officiellement quitté le MJS en janvier 2017, déçu par le bilan de François Hollande. Jeudi, il a « bien évidemment » participé aux mobilisations contre la loi Vidal. Pourquoi ? « Sur la forme, Parcoursup et les prérequis sont hors la loi », juge-t-il. La loi a effectivement été votée à l’Assemblée nationale mais pas encore au Sénat : elle passera entre les mains des sénateurs les 7 et 8 février prochains.
Concernant le fond, Nicolas distingue deux arguments. « Si on vient sur le terrain de Macron, à savoir l‘économie, on sait que la France a besoin de personnes qualifiées pour « être compétitive » ». Selon le jeune étudiant, empêcher des bacheliers d’accéder à une formation du supérieur va diminuer le nombre de personnes qualifiées. Or, « nous ne sommes pas un pays atelier comme la Chine ou l’Inde qui nécessite beaucoup de monde dans les usines ». L’autre argument qu’avance Nicolas est philosophique, politique. Selon lui, l’éducation est un vecteur d’émancipation.
Aller à l’université est le meilleur ascenseur social pour beaucoup de monde
Nicolas, 20 ans
Même si 88,5 % des lycéens (un record) ont obtenu leur bac en 2016 selon le ministère de l’Education nationale, l’échec en première année à l’université est d’environ 60 % en 2017. L’université, tout comme le système éducatif global, reproduit les inégalités sociales : selon les derniers chiffres de l’INSEE (2014-2015), seulement 23,9 % des individus connaissent une mobilité sociale ascendante par rapport à leur père.
Néanmoins, certains craignent que cette loi provoque un renforcement de ces inégalités. Les premiers jours d’existence de Parcoursup ont également montré qu’une « sélection géographique va se mettre en place », d’après Nicolas. Une kyrielle de messages dénonçant cette forme de sélection a même fleuri sur Twitter, des lycéens se trouvant « hors secteur » et ne pouvant donc pas postuler dans certaines universités. « Comme toujours, ce sont les lycéens venant de milieux populaires qui vont morfler [sic]. On leur interdit non seulement l’accès à une université mais aussi le droit de simplement postuler ! »
Une journée de mobilisation bien rude
La journée du 1er février a été particulièrement remplie pour Nicolas. Il nous livre que l’objectif premier de la France Insoumise à Paris a été de mobiliser les lycées. « Il n’y a pas de mouvement social sans mobilisation des lycées. On connaît le pouvoir de l’effet domino qu’ont, dans le temps, les lycées sur les autres couches de la société comme les universités quand il s’agit de se mobiliser. » Est-ce que cela a été efficace ? « Oui, deux des trois lycées que j’avais briefés pour le blocus en ont instauré un. On verra avec le temps pour les universités, qui se sont tout de même bien mobilisées », nous confie le militant insoumis. L’étudiant a ensuite pris la direction de Jussieu, le campus de Paris 6, pour manifester. Son objectif a été d’agréger un maximum de lycéens et d’étudiants sous sa banderole, « politiquement neutre », précise-t-il. « J’ai le bac, je choisis ma fac. #NonALaSelection. C’était notre mot d’ordre. » Son cortège a ainsi réussi à passer en tête de manifestation. « Cela a montré que les jeunes étaient au cœur de la mobilisation. »
Une mobilisation en demi-teinte
Concernant le nombre de manifestants, le jeune étudiant affirme qu’ils ont été « nombreux » même s’il reconnaît qu’il aurait aimé voir plus de lycéens. Le syndicat Snesup-FSU a estimé que 10 000 jeunes avaient manifesté le 1er février à Paris. La préfecture, elle, a estimé le nombre de manifestants à 2 400. « La police surveille beaucoup les manifestations et exerce une forme de pression sur les manifestants », juge-t-il. La pression de la police couplée au fait que tous les lycéens ayant organisé des blocus ne sont pas allés manifester expliqueraient la mobilisation moins importante des lycéens par rapport à celle des étudiants. Si on compare les chiffres globaux à ceux des manifestations contre les ordonnances qui ont rassemblé jusqu’à 24 000 personnes à Paris selon la préfecture et 60 000 selon la CGT, ceux-ci restent très faibles. « Rien de plus normal. Lors des manifestations contre la dernière loi Travail, tous les syndicats [de salariés et d’étudiants, ndlr] appelaient à la mobilisation. Ce n’est pas le cas ici », nous confie l’étudiant en physique. À propos de l’avenir du mouvement social, Nicolas se plaint d’une faible médiatisation de la manifestation du 1er février. « Au 20h de France 2, il n’y a eu que 5 secondes sur le sujet », nous dit-t-il avec regret. « Difficile donc de dire si la manifestation aura un gros impact ou non. ».
Une convergence des luttes ?
La loi Vidal semble davantage concerner les futurs étudiants et actuels lycéens que ceux ayant déjà accès à l’enseignement supérieur, du fait notamment du remplacement d’APB par Parcoursup. « C’est faux, elle concerne également les étudiants. Cette loi risque de créer une université à deux vitesses. Certaines universités vont sélectionner avec des critères très stricts. D’autres vont moins appliquer la sélection. » La valeur d’un même diplôme risque alors d’être différente en fonction de l’université. Néanmoins, la loi Vidal prévoit un cadrage national des attendus, censé contrecarrer ces pratiques.
Selon Nicolas, « la compensation des matières et des semestres pour valider une année universitaire va être remise en cause avec cette loi ». Il se base notamment sur la déclaration de la ministre de l’Enseignement supérieur du 7 novembre 2017 au Sénat pour affirmer cela. Cette dernière a effectivement confié que « s’agissant de la compensation, l’objectif est que l’inscription puisse se faire à l’unité d’enseignement. Les compensations ne se feront donc plus « à l’année », les années n’ayant plus lieu d’être ». Elle a également formulé son souhait de réfléchir à « une nouvelle formule » concernant la compensation. Néanmoins, une réforme de ce système, susceptible de mobiliser davantage les étudiants et faire converger les luttes étudiantes et lycéennes, semble ne pas être à l’ordre du jour… pour le moment.
Image de couverture : © gabikai pour L’alter ego/APJ