Le Plan étudiants : à quels changements s’attendre ?
Lundi 20 octobre, le Premier ministre Edouard Philippe, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation Frédérique Vidal, ainsi que le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, ont tenu une conférence de presse afin de présenter une « réforme globale », allant de l’orientation au lycée à la transformation en profondeur du premier cycle universitaire. L’Alter Ego vous décrit les principaux changements que contient ce « nouveau contrat pédagogique ».
Les promesses ont été nombreuses et le Gouvernement semble se donner les moyens d’opérer une véritable rupture avec un investissement de plus d’un milliard d’euros sur le quinquennat. Mais pour quoi faire ?
édouard philippe, premier ministre français – © gabikai pour l’alter ego/apj
Le lycée, première marche vers l’enseignement supérieur
Le « naufrage » d’APB, pour une orientation remise à flots
Face aux nombreux dysfonctionnements de l’algorithme APB (Admission Post Bac) concernant l’accès à l’enseignement supérieur, le gouvernement d’Edouard Philippe a proposé lors de cette conférence de presse une réforme de ce système qui sera effective dès cette année.
Les élèves de Terminale formuleront désormais jusqu’à 10 vœux non hiérarchisés dès le mois de janvier sur une nouvelle plateforme d‘affectation. Après examen de ces vœux, le conseil de classe émettra un avis sur chacun d’eux au travers d’une fiche nommée « avenir », qui sera transmise aux établissements que les futurs bacheliers souhaiteront rejoindre.
La publication des affectations aura lieu une seule et unique fois dans le courant du mois de mai à la suite de l’analyse de tous les dossiers des élèves par les établissements d’enseignement supérieur. Les étudiants devront répondre à ces propositions en temps limité afin de libérer les places pour les élèves « en attente ».
Si aucun des choix des futurs étudiants n’a été reçu favorablement, une procédure complémentaire réunira des commissions rectorales qui examinera leurs dossiers et leur proposeront une affectation. Le gouvernement promet qu’aucun étudiant ne se retrouvera sans affectation dès la rentrée de septembre 2018.

Par ailleurs, le bac reste le seul passeport pour l’enseignement supérieur. L’annonce de la réforme promise de celui-ci au cours des prochains mois laisse supposer d’éventuels changements qui pourront modifier les modalités actuelles d’accès aux études supérieures.
Permettre l’inscription c’est bien, permettre la réussite c’est mieux.
Edouard Philippe, Premier ministre français
Une orientation alliant moyens humains et numériques
Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, souhaite un accompagnement approfondi des lycéens dans le choix de leur orientation. Pour le ministre, cet accompagnement se voudra « sur mesure » et devra s’appuyer sur des moyens humains et numériques. C’est pourquoi l’orientation se fera au cœur des établissements, au plus près des lycéens, par l’organisation notamment, chaque année avant les congés d’hiver, de deux « semaines de l’orientation » afin d’aider les élèves à formuler leurs vœux d’orientation.
Par ailleurs, les enseignants auront davantage un rôle de conseil dans l’orientation choisi par les élèves. Ce ne sera plus un mais deux professeurs principaux qui accompagneront les élèves dans la maturation de leur projet professionnel tout au long de l’année (cette mesure pourra être effective dès décembre 2017).
D’autres mesures telles que la mobilisation de psychologues de l’Éducation nationale, de conseillers d’orientation et le renforcement des CIO (Centres d’information et d’orientation) par des jeunes en services civiques complètera cet accompagnement.
Par ailleurs, le ministre de l’Éducation nationale a souhaité une plus grande clarté vis-à-vis de l’accès aux différentes filières. Ainsi, celles-ci présenteront aux futurs bacheliers le contenu, les prérequis nécessaires à l’entrée et la réussite dans leurs formations, les taux de réussite ainsi que les débouchés professionnels que permettent celles-ci. Ces prérequis prendront la forme de compétences et d’aptitudes que les enseignants de l’enseignement supérieur jugent essentiels à l’entrée dans ces filières.
Enfin, le site monorientationenligne.fr sera enrichi de reportages et ressources de l’ONISEP (Office national d’information sur les enseignements et les professions).
Les établissements d’enseignement supérieur accessibles selon des prérequis
Pour le Gouvernement, les établissements d’enseignement supérieur doivent permettre la réussite aux futurs étudiants. Ainsi, afin de leur proposer un parcours dans les filières qu’ils auront choisies, les candidats à une formation non sélective se verront répondre « Oui » ou « Oui, si… ». Dans le second cas, les prérequis seront alors rappelés afin de permettre à l’élève souhaitant accéder à une licence de se perfectionner et atteindre les bases exigées. Un élève refusant cette remise à niveau pourra donc se voir refuser l’accès à la filière qu’il souhaite.

Réformer l’enseignement supérieur
Toutefois, le projet de réforme ne s’arrête pas à l’entrée à l’université, bien au contraire. Le Premier ministre a d’abord rappelé constat alarmant : en moyenne, seuls 30 % des étudiants inscrits dans une licence en première année en sortent diplômés après trois années d’étude, 40 % après quatre années. Faute à une mauvaise orientation dès le lycée, certes, mais l’organisation même du supérieur est à repenser. La majeure partie des investissements concernant l’éducation effectués au cours du quinquennat lui sera donc dédiée, et tout particulièrement au premier cycle de licence.
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Un accompagnement maintenu à l’université
« L’échec en première année de licence n’est plus acceptable », a assuré la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
Tout au long du parcours universitaire, un directeur des études par champ disciplinaire se devra d’offrir un accompagnement renforcé à chaque étudiant, en leur proposant des parcours personnalisés, qui pourront par exemple s’interrompre ou s’accompagner de remises à niveau.
Le Plan étudiants prévoit de donner une plus grande autonomie aux universités, qui seront libres de proposer des formations de formes variées au sein de chaque champ disciplinaire, comme des stages, des partenariats avec d’autres établissements. Quant à la mise en œuvre de cette mesure, elle reste difficile à entrevoir car a été peu détaillée, et amène à de nombreuses questions qui devront être élucidées (types d’établissements, conditions pour y avoir accès, etc.).
Pour « accomplir la démocratisation de l’enseignement supérieur en accompagnant tous les étudiants vers la réussite », tel est le souhait du Gouvernement, celui-ci s’engage à accroître leur autonomie à eux, à l’aide de plusieurs changements dans les domaines de la santé, du logement, et par un regain de pouvoir d’achat.
La volonté de former des étudiants plus autonomes
Le Gouvernement a souhaité redonner du pouvoir d’achat aux étudiants, afin de leur permettre de s’impliquer pleinement dans la réussite de leurs études. Le coût de la rentrée 2018 sera donc diminué de 100 millions d’euros, et ce notamment grâce à la suppression de la sécurité sociale étudiante d’un montant de 217 euros. En effet, tous les nouveaux étudiants seront rattachés au régime général de l’assurance maladie. La cotisation au régime de sécurité sociale étudiant sera remplacée par une cotisation « vie étudiante » qui inclut santé, bien-être, vie et culture (dont les boursiers seront exonérés). Concrètement, les étudiants ne paieront plus que 288 euros (somme correspondant aux droits d’inscription et à la cotisation « vie étudiante ») au lieu de 406 euros . L’accès aux soins sera facilité grâce à l’ouverture de centres de soin au sein même des établissements.
En matière de logement, il est prévu la création de 60 000 nouveaux logements étudiants d’ici 2022 pour répondre à l’arrivée massive de jeunes dans la vie étudiante.
Concernant les bourses, un paiement à date sera mis en place, afin de corriger les retards de versement bien connus jusqu’à ce jour.

Un investissement accru en faveur de l’université
L’investissement dans l’enseignement supérieur concerne également les filières en tension (qui génèrent plus de demandes que de places disponibles ; notamment STAPS, PACES, droit et psychologie), qui ont été particulièrement sujettes au désastre APB. De nouvelles places vont donc leur être attribuées. C’est au total 450 millions d’euros qui seront dédiés au Grand Plan d’Investissement pour permettre la mise en place des nouveaux cursus, l’accompagnement personnalisé de chaque étudiant (transformation du 1er cycle), et 500 millions d’euros sur l’ensemble du quinquennat afin d’accompagner la réforme, ouvrir des places et créer des postes dans les filières en tension.
Cette présentation d’un projet de transformation majeur laisse malgré tout de nombreuses interrogations en suspens. La volonté première qui consiste à offrir à tous les élèves une égalité devant l’accès à l’enseignement supérieur se heurte à plusieurs obstacles, et en premier lieu aux exigences de chaque lycée qui, on le sait, varient d’un endroit à l’autre. Les « fiches avenir » pourront-elles véritablement être objectives ? Quel impact aura la réforme du baccalauréat annoncée par le Président de la République sur la viabilité de ce nouveau système ? L’intégration de plus de 40 000 étudiants chaque année dans les études supérieures sera-t-elle réalisable ?
Ce qui est sûr, c’est que le Gouvernement sera attendu à la rentrée prochaine sur l’efficience de son système, au risque d’être aussi décrié que le précédent.
Image de couverture : © Gabikai pour l’alter ego/apj