En quoi la jeunesse de Macron peut-elle représenter un renouveau ?
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Emmanuel Macron, 39 ans, le plus jeune président de la République que la France ait connu. Des mots qui sonnent comme une promesse pour des Français lassés de voir les mêmes visages aux mêmes postes, lassés aussi du pessimisme ambiant qui fait la part belle aux extrêmes. Son discours optimiste, son énergie pour remettre en marche la construction et son appel vibrant à réformer en profondeur le pays le font apparaître comme une issue vers des jours meilleurs, bien loin de la nostalgie des Trente Glorieuses animant l’extrême droite. La majorité acquise à l’Assemblée nationale décrit bien le vent de modernité qui souffle sur les plus hautes institutions de l’État : 7 ministres sur 18 n’étant pas directement issus du monde politique, 54 de moyenne d’âge chez les ministres dont 3 sont trentenaires, une Assemblée nationale rajeunie et féminisée…

Pourtant Emmanuel Macron, c’est aussi un programme qui reste timide sur les problématiques environnementales, une pratique du pouvoir loin de l’idéal d’une démocratie directe qui s’inspire parfois du gaullisme et une défense acharnée du libéralisme, principe ayant guidé l’économie mondiale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Être jeune, est-ce donc toujours synonyme d’un renouveau ? Emmanuel Macron, passé par les mêmes écoles que celles qui ont formé les élites de l’ancien monde qu’il entend renverser, friand de symboles, peut nous en faire douter.
Emmanuel Macron, symbole de la jeunesse ?
De la police utilisée sur les affiches En Marche ! lors de la campagne présidentielle à la promesse de renouvellement politique annoncée par Emmanuel Macron, tout annonce un quinquennat rajeuni. C’est ce que cherche à montrer Emmanuel Macron à travers sa communication, inspirée de celle de Barack Obama. Des photos sur les réseaux sociaux cherchant à faire le buzz où le Président joue au tennis à la photo officielle inspirée de celle de Barack Obama, le Président français essaye de coller avec l’image du jeune cadre dynamique. Celui qui veut soutenir l’innovation et les start-ups fait du progressisme le maître mot de son projet. Rien que le nom de son mouvement En Marche ! créé en avril 2016 se veut moderne et résolument optimiste, totalement à l’opposé de Marine Le Pen et de son programme qui prône avant tout un retour en arrière.

Pourtant, la forme cache mal un autre aspect de l’image que cherche à renvoyer le nouveau Président. Emmanuel Macron est aussi un énarque passé par Sciences Po, soit le parcours classique des élites françaises. Banquier chez Rothschild entre 2008 et 2012, il se défait difficilement de l’image honnie de l’homme d’affaires profitant des plus pauvres pour s’enrichir. Image qui casse également avec l’image optimiste, ouverte et positive qu’il essaye de véhiculer. Son parcours donne cependant un gage d’expérience à Emmanuel Macron, qui lui donne une autre force : il connaît assez le système actuel pour pouvoir le faire évoluer.
Cependant, loin d’être un symbole pour toute la jeunesse, le nouveau Président est avant tout critiqué par cette jeunesse, souvent plus proche de la France Insoumise ou du FN, qui veut un changement complet et pas seulement une autre tentative d’adaptation à la mondialisation.
Un renouveau politique en demi-teinte
Le renouvellement politique annoncé par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle est bien réel dans la nouvelle majorité à l’Assemblée nationale et dans le gouvernement, où les ministres sont davantage des spécialistes de leur domaine que des personnalités politiques parachutées dans des ministères confortables. Plus de femmes, plus de Français issus de l’immigration, une moyenne d’âge en baisse, 188 députés n’ayant jamais été élus auparavant, Emmanuel Macron a tenu sa promesse de rajeunir la vie politique, même si de nombreux nouveaux députés étaient en fait d’anciens assistants parlementaires. En allant au bout de la loi de moralisation de la vie publique promise durant la campagne présidentielle, le nouveau président de la République pourrait arriver à renouveler et à revitaliser l’élite politique française. Cependant être jeune en politique, c’est aussi se heurter à la peur de l’inexpérience, ce qui paradoxalement pousse Emmanuel Macron à se rattacher à un héritage politique souvent qualifié de dépassé. En effet, l’utilisation des symboles anciens mêlés à des éléments beaucoup plus modernes, comme le discours devant le Congrès à Versailles du 3 juillet dernier, inspiré du discours américain sur l’état de l’Union mais rappelant aussi la monarchie, inscrit le Président dans une dimension historique mais aussi tournée vers l’avenir.

Une reprise du “en même temps” très cher à Emmanuel Macron qui mélange modernité et inscription dans l’histoire. Cette recherche d’un pont entre passé et présent n’est cependant elle-même pas très novatrice. Elle est inscrite dans la nature même de la Vème République, dont le Président cherche à utiliser tous les outils institutionnels au service d’une pratique du pouvoir plus proche du gaullisme que la démocratie directe. Dès le départ, la Vème République s’inscrit dans l’héritage monarchique et napoléonien en mettant en place un exécutif fort. Cependant, la Vème République s’est également servie de la modernité pour renforcer le pouvoir du Président : Charles de Gaulle utilise la télévision alors naissante pour s’exprimer devant les Français. En revenant aux origines de la Vème République, en annonçant par exemple qu’il pourrait recourir plus régulièrement aux référendums comme l’avait fait Charles de Gaulle, Emmanuel Macron cherche aussi à faire un contrepoids à sa jeunesse, souvent synonyme d’inexpérience pour les Français.
Un paradoxe ?
D’un autre côté, sa politique néolibérale, qui ne convainc pas une majorité de jeunes, lui donne un gage de maturité pour une classe aisée cherchant à conserver ses revenus et pour des entrepreneurs avantagés par une politique économique ultralibérale. Au contraire, des personnalités politiques plus âgées, comme Jean-Luc Mélenchon en France, ont présenté des programmes très novateurs en matières environnementale et sociale et qui ont convaincu les jeunes électeurs : selon une enquête réalisée pour Le Monde juste avant le premier tour des présidentielles, Jean-Luc Mélenchon recueille 31% des intentions de vote des 18-24 ans contre seulement 18% pour Emmanuel Macron.
Des jeunes aux idées anciennes, souvent vues comme dépassés, et des plus vieux qui militent pour un nouveau modèle économique et social plus respectueux de l’environnement ?
C’est un paradoxe visible dans les pays développés aujourd’hui. Emmanuel Macron, Justin Trudeau, Premier Ministre canadien, et Leo Varadkar, Premier Ministre irlandais, font parti des dirigeants des grandes puissances mondiales les plus jeunes de la planète et sont des libéraux convaincus, alors que les personnalités politiques militant pour une transition écologique accélérée sont relativement âgées : Jean-Luc Mélenchon en France, mais aussi Jeremy Corbyn au Royaume-Uni ou Bernie Sanders aux Etats-Unis.
Peut-être que ce paradoxe réside justement dans l’expérience et le recul que peuvent avoir des personnalités politiques plus âgées, davantage conscientes des dérives de notre modèle social et économique à long terme. De plus pour lancer une dynamique, un mouvement politique pérenne, la politique à l’ancienne comme la pratique Jean-Luc Mélenchon par exemple reste plus efficace que les nouvelles formes de revendications politiques, comme Nuit Debout qui n’a pas réussi à devenir un mouvement politique à part entière. Ces personnalités qui ont dépassé la soixantaine mais dont l’électorat reste majoritairement jeune inspirent également plus confiance. Davantage vus comme des vieux sages désintéressés, on a du mal à les voir comme des politiciens avides de pouvoir, à la différence de politiciens vingt ans plus jeunes, certes novices, mais dont on redoute la cupidité.
image de couverture : © Antoine Gyori/Corbis/Getty Images