Merci Simone.

Chère Madame,
Vous nous avez quittés. Votre départ a inconsciemment laissé apparaître une douloureuse blessure chez chacun des Français, des jeunes comme des moins jeunes, des riches comme des pauvres, des noirs comme des blancs, des croyants comme des athées. Parce que la personne que vous étiez rassemblait au-delà de toutes les différences, de toutes les origines, de tous les clivages inhérents à la vie en société.
Je voudrais rendre hommage à votre volonté, à cette rage de vivre qui vous a permis de traverser les plus effroyables épreuves de la vie, alors que tout vous amenait à baisser les bras, à lâcher prise.
Les mots me manquent. Le respect que vous insufflez ne peut se décrire, se décomposer en lettres s’essayant à exprimer l’état d’esprit dans lequel vous nous laissez. Comment ? Comment êtes-vous parvenue à dépasser les vicissitudes ayant esquinté chaque degré de votre existence, à en faire cette force que vous avez utilisée dans votre engagement pour de si belles valeurs que sont la paix, le droit des femmes et j’en passe ?
Après avoir survécu à l’horreur des camps d’extermination nazis, surmonté la mort de vos parents et de votre frère, puis celle de votre sœur quelques années plus tard, vous avez œuvré à faire progresser notre société et à embellir la vie de millions de personnes, quand la vôtre semblait alors réduite à néant. Grâce à vous, il est possible pour une femme d’avorter légalement en toute sécurité en France. Vous avez tu les insultes, les avez affrontées la tête haute, sûre de vos convictions. Tout cela c’est vous, c’est grâce à vous.
Comment travailler à la réconciliation franco-allemande, lorsque l’on a été confrontée à l’incarnation de la haine en personne ? « Une haine qui veut tuer » comme vous le décriviez si gravement. Vous avez fait de la paix votre combat, vous avez cru en l’Europe pour le gagner, en vain. Rien, ne peut arrêter la bêtise humaine. Des hommes continuent et continueront à s’entretuer, malgré la force et la justesse de vos mots ne décrivant qu’une réalité trop souvent omise :
« Nous appartenons tous à la même planète, à la communauté des hommes. »
simone veil
Comment saluer le courage qui a été le vôtre ? J’ai beau chercher des réponses à toutes ces questions qui s’entrechoquent insupportablement dans ma tête, aucun hommage ne sera assez grand, assez juste, pour honorer l’intelligence dont vous avez fait preuve tout au long de votre vie.
Une sensibilité à vous serrer le cœur, accompagnée d’une force psychique hors du commun. Vous étiez la mère, la sœur, l’amie, la confidente dont tout le monde rêve à ses côtés. C’est un parcours ponctué d’une parfaite équation entre autorité et humanité, rigueur et honnêteté, que vous avez mené. Madame Veil, vous n’étiez pas une femme politique, mais une femme que la vie a amené à faire de la politique. La clef se situe peut-être ici. Les ambitions personnelles, la quête de pouvoir… Rien de tout cela ne vous a atteint. Puissent les dirigeants actuels s’inspirer de vous, de votre pudeur et de votre bonté. Puisse le monde entier prendre exemple sur vous.
« Devenir quelqu’un dont on parle, c’est très désagréable. »
simone veil
Je ne respecterai pas votre désir d’effacement aujourd’hui, car il faut parfois savoir mettre en lumière des personnes qui seraient restées dans l’ombre toute leur vie quand bien même elles auraient transformé le cours de millions d’autres. Vous êtes une perle rare, incontestablement unique, et le plus émouvant est que vous ne vous en êtes jamais rendu compte. Mais enfin, ce qui aide à cicatriser cette blessure entrouverte est de savoir qu’une perle est éternelle.
En tant que femme, en tant que jeune adulte, en tant que citoyenne : je vous admire et vous remercie.
image : © Quim Llenas/Cover/Getty Images