Néo-youtubeurs
Le 10 janvier dernier, c’était au tour de Florian Philippot, vice-Président du Front National, de lancer sa chaîne YouTube. Elle connait déjà un certain succès puisqu’elle a atteint presque 11 000 abonnés et plus de 300 000 vues sur la vidéo de lancement, largement relayée par les médias. Mais ce n’est pas le premier politique à s’aventurer sur YouTube. En effet, cette tendance est en plein essor et les politiques de tous bords s’y essaient avec plus ou moins de brio.
Les politiques à la conquête de YouTube
En cherchant leurs noms dans la barre de recherche, on parvient à un constat : tous les politiques ou presque ont une chaîne YouTube. Parmi les plus suivis, on trouve d’abord Jean-Luc Mélenchon. C’est LA star politique française de la plateforme avec plus de 180 000 abonnés.
On trouve sur sa chaîne plusieurs types de vidéos : des extraits d’interviews, de discours, mais surtout des émissions réalisées spécialement pour YouTube, comme La Revue de la Semaine, dépassant presque systématiquement la barre des 100 000 vues. Pour connaître un tel succès, Jean-Luc Mélenchon n’hésite pas à abandonner les codes de la politique traditionnelle et adopte ceux de youtubeurs célèbres. Il affirme ainsi s’être inspiré de Ludo de la chaîne Osons Causer pour ses vidéos. Il parle sur un ton décontracté, sans cravate et appelle aux pouces bleus et aux commentaires.
À la recherche d’une audience plus large et souvent plus jeune, ces politiques voient donc en YouTube un outil de communication devenu indispensable. Il permet avant tout de contourner ceux qu’ils considèrent comme un obstacle : les journalistes. En effet, dans leurs vidéos, la parole est sans filtre et sans encadrement. A l’image des autres plateformes comme Périscope ou Facebook Live, YouTube permet de rétablir l’horizontalité entre politiques et électeurs. C’est également pour eux un moyen de garder une main de fer sur leur communication.
YouTube, nouveau centre du débat public ?
Si chacun est libre de s’exprimer comme il l’entend sur YouTube, on peut cependant se demander si cela renforce la démocratie. À l’exception d’Emmanuel Macron, les politiques rencontrant le plus de succès sur YouTube sont politiquement excentrés. Ils cherchent par ce biais à contourner ce qu’ils appellent la « censure » médiatique, bien qu’ils soient invités de manière récurrente sur les matinales et les plateaux TV. Mais la nouveauté de ce type de format est véritablement la proximité avec les internautes. En ce sens, YouTube peut être vu comme un nouveau lieu du débat public.
Pourtant la volonté d’écarter les journalistes du débat politique est dangereuse. Ces derniers sont un véritable contre-pouvoir face à la force politique. Sans eux, qui pour vérifier la véracité des propos et apporter du recul aux discours politiques ?
Les youtubeurs politiques de plus en plus présents sont une réponse partielle à ce problème, car ils offrent un premier regard critique à ces discours. Cependant, rien ne garantit leur indépendance puisqu’ils ne sont par nature pas journalistes. YouTube est-il alors adjuvant au débat démocratique ou brouilleur de message ? En tout cas, il faut rester vigilant.
Plus qu’une simple tendance de communication, l’arrivée des politiques sur YouTube montre donc une volonté plus profonde : celle de renouer le contact avec les Français. La différence avec les outils de communication classique : il est beaucoup plus difficile de garder le contrôle.
Image de couverture : captures d’écran Youtube