L’art au service de la femme
Shamsia Hassani est née en 1988 à Téhéran en Iran. Elle vit à Kaboul où elle passe un master d’Arts Plastiques. Connue aujourd’hui pour être la première femme grapheuse d’Afghanistan, elle transforme les murs de Kaboul en y créant des fresques colorées. Des femmes représentées pour s’interroger sur leur condition au sein de ce pays. Un message coloré de paix et d’espoir.
Des conditions difficiles
On le sait, la condition des femmes en Afghanistan est difficile, notamment à cause de la persistance de l’idéologie talibane et des traditions patriarcales qui prédominent dans ce pays. L’Afghanistan est une République islamique où les femmes se voient écrasées sous les lois misogynes et réactionnaires innombrables qui les concernent, dont figurent parmi tant d’autres :
1- L’interdiction totale du travail des femmes hors de chez elles, y compris pour les enseignantes, les ingénieurs et la plupart des professions. Seules quelques femmes médecins et infirmières sont autorisées à travailler dans quelques hôpitaux de Kaboul.
2- L’interdiction totale de l’activité des femmes hors de chez elles si elles ne sont pas accompagnées par un mahram (parent masculin).
3- L’interdiction pour les femmes de traiter avec les marchands masculins.
4- L’interdiction pour les femmes de se faire soigner par un médecin homme.
5- L’interdiction d’aller à l’école, à l’université ou dans quelque autre organisme éducatif. (Les talibans ont converti les écoles de filles en séminaires.)
6- L’obligation de porter un long voile (Burqa), les recouvrant de la tête au pied.
7- Les femmes qui ne portent pas ce voile ou ne sont pas accompagnées d’un mahram sont fouettées, battues et insultées.
8- Les femmes dont on voit les chevilles sont fouettées en public.
9- La lapidation publique des femmes accusées de relations sexuelles extra-maritales. (Nombre d’entre elles ont été lapidées jusqu’à la mort).
10- L’interdiction de se maquiller. (On a tranché les doigts de beaucoup de femmes aux ongles vernis).
Rire audiblement, se maquiller, découvrir quelques centimètres carrés de peau… Les femmes n’ont pas le droit de se faire remarquer en public. Et pire encore, elles n’ont que difficilement accès à l’éducation et donc à la liberté et l’indépendance par la suite, notamment dans les zones rurales où les traditions sont encore plus présentes, ce qui les voue à dépendre toute leur vie d’un homme, qu’il soit un père, un frère ou un mari.
L’espoir d’avancer
Des avancées sont tout de même remarquables, en partie grâce aux efforts fournis – et malheureusement taris depuis – par la communauté internationale, mais surtout grâce des femmes et hommes afghans qui souhaitent changer les choses. Des associations comme Women for Afghan Women (femmes pour les femmes Afghanes) effectuent beaucoup de prévention auprès des femmes, à qui elles tentent d’expliquer leurs droits, pour lesquels elles luttent aussi activement, notamment en ce qui concerne le mariage forcé, encore très présent dans le pays.
Depuis la chute du gouvernement Taliban en 2001, la situation semble s’être améliorée puisque aujourd’hui les femmes afghanes représentent 40% des étudiants et 27% des députés (comme à Paris, en fait…). Pourtant leurs conditions restent difficiles, surtout dans les campagnes, et au vu de la baisse d’attention de la communauté internationale, beaucoup craignent un retour en arrière…
Par ses créations, Shamsia Hassani veut offrir quant à elle un autre point de vue sur son pays, afin de lui forger d’autres synonymes que guerre et violence, comme art et beauté, mais aussi espoir. L’espoir de voir la condition des femmes s’améliorer encore et encore au sein du pays, de voir plus de femmes s’émanciper, devenir indépendantes, et ce sans sentir la pression des traditions patriarcales encore omniprésentes peser sur leur dos.
Au Art Radar Journal, Shamsia a déclaré :
J’ai modifié mes images pour montrer la force et la joie des femmes. Dans mes dessins, il y a beaucoup de mouvement. Je veux montrer que les femmes sont de retour dans notre société, sous une forme nouvelle et plus forte. Elles ne se contentent plus de rester à la maison. Ce sont des femmes modernes, pleines d’énergie, qui veulent prendre un nouveau départ. Comme on le voit dans mes créations, je veux changer l’image des femmes. J’en fais des personnages hors du commun. Et j’ai l’impression qu’aujourd’hui les gens les regardent différemment.
Shamsia Hassani crée un nouvelle œuvre à peu près tous les deux mois
La condition des femmes dans ce pays connaît une lente mais certaine évolution, notamment grâce au courage de personnes comme Shamsia Hassani. Pourtant, l’Afghanistan, entre guerre et violence, n’est pas un pays stable, et la société reste patriarcale et très dure envers les femmes. Bien sûr, certaines réussissent à vivre indépendantes, mais elles sont assez mal vues et leur situation peut s’avérer difficile. De plus la situation des femmes dans ce pays reste « une des pires au monde » d’après la militante féministe afghane, Wazhma Frogh.
La réalité là-bas est dure, mais certaines gardent espoir et sont prêtes à se battre dangereusement pour leurs droits. Mais encore une fois, face à la négligence de la communauté internationale, l’avenir des femmes dans ce pays en difficulté reste incertain.
Image de couverture : licence libre