L’École française est névrosée !
Le 26 avril dernier, des journalistes du Zeugma et de L’Iné ont rencontré deux rapporteurs du Comité des droits de l’Enfant de l’ONU : Madame Ayoubi-Idrissi et Monsieur Cardona. Cette rencontre, organisé par le collectif AEDE, visait à sensibiliser des enfants sur l’existence de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) qui définit leurs droits.
Lors d’une interview exclusive, les deux rapporteurs leur ont confié quelques unes de leurs inquiétudes à propos de l’Éducation à la française. Ils évoquent notamment les discriminations qui subsistent au sein de notre très chère Institution, la question persistante du harcèlement, le décrochage scolaire mais aussi les nombreux enfants exclus de notre système d’éducation, en particulier les handicapés, les roms ou ceux subissant une vulnérabilité sociale ou économique ainsi que le manque de formation des personnels éducatifs.
Ironie du sort, durant les vacances de printemps, une bien belle information nous est parvenue :
Les journées pour la re-fondation de l’École de la République se tiendront les 2 et 3 mai prochains. En présence de Monsieur le Président de la République, François Hollande, Monsieur le Premier ministre, Manuel Valls et Madame la Ministre de l’Éducation nationale de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Najat Vallaud-Belkacem.
Comme vous le remarquerez le menu était si copieux que nous ne pouvions rester les bras croisés. L’accréditation en poche nous tremblions d’impatience de nous retrouver au Palais Brongniart à Paris avec notre lot de questions.
Un coup de com exemplaire
Les journées de la « Refondation de l’École de la République » commencèrent par un coup de communication exemplaire. Nous vîmes arriver bras-dessus bras-dessous la Ministre actuelle de l’Éducation nationale ainsi que ses deux prédécesseurs. L’arrivée des ex-Ministres de l’Éducation nationale, Monsieur Peillon et Hamon se fit ressentir dans la salle de conférence. La photo était trop belle pour ne pas la rater !

Les différents protagonistes ont pris la parole tour à tour afin d’expliquer au public et aux médias le sens de cette « re-fondation ». Chacun a évoqué à sa façon les échecs auxquels l’École fait face aujourd’hui et les changements que permettra cette « re-fondation ». En quelque sorte, le même discours clamé par trois orateurs. Mais comme on nous le rabâche souvent, la répétition est un gage d’apprentissage… au cas où une seule fois ne suffirait pas !
Le constat est sans appel et unanime, l’Éducation française est en crise à cause de son système ségrégatif et sélectif. Et les chiffres le démontrent ! Au dernier classement PISA, un programme mesurant les performances des différents systèmes éducatifs, la France a perdu cinq places, se positionnant aujourd’hui à la 18ème place sur 34 pays évalués.
Pour remédier à cela, un vaste programme nous est annoncé. Tout d’abord, la promesse d’une École plus inclusive et plus égalitaire. Une École plus égale n’envisage en aucun cas une diminution des élites mais vise à permettre une démocratisation de l’excellence par le biais d’une éducation de qualité. S’ensuit, une lutte active contre le décrochage scolaire. Pour Vincent Peillon, « Tout élève peut réussir. Tout élève est éducable. ». Aussi, une augmentation du nombre d’enseignants et une formation plus approfondie pour ceux-ci sont nécessaires. La volonté de cette « re-fondation » est aussi de donner à l’École le devoir de transmettre les valeurs chères à la République et ceci est plus que jamais une priorité dans le contexte actuel. Cependant, les Ministres constatent qu’aujourd’hui l’École n’est pas en phase avec la société actuelle. « Agir pour l’École, c’est tout simplement agir pour la République », ajoute Najat Vallaud-Belkacem, l’actuelle Ministre de l’Éducation nationale. La Ministre ajoutera en salle de presse que de grandes annonces seraient faites le lendemain par le Premier Ministre… À se demander si ces conférences débats étaient vraiment nécessaires ou si tout était prévu…
Les jeunes, absents…
De retour en séance plénière nous avons pu constater avec surprise mais aussi avec déception que nous étions les seuls jeunes présents à ces journées consacrées à la « re-fondation » de l’École. Triste constatation qui est celle, au mieux d’un oubli, au pire celle du parti pris, ou avions-nous la grande responsabilité sur nos épaules de représenter la jeunesse de France ? Monsieur Eric Favey, Secrétaire général de la Ligue de l’Enseignement s’est interrogé à notre micro :
Au nom de quoi un élève interviendrait-il ?
Car c’est bien connu, les propos des élèves valent moins que ceux des technocrates… on aurait dû y penser… Honteux sont les propos de cet homme qui préfère bâillonner la jeunesse pour éviter d’être éclaboussé.
Et nos voisins européens ?
Nous l’aurons bien compris, l’École française est névrosée. Le lendemain nous avons profité de la venue des Ministres de l’Éducation portugaise et suédoise pour comprendre comment nos camarades européens travaillent à l’École. La Suède a œuvré depuis quelques années pour la construction d’une école 100 % inclusive, c’est-à-dire, une école qui devient une structure qui n’exclut personne et met en place des dispositifs adaptés pour tous selon les besoins de chacun. La France tente d’y parvenir mais le compte n’y est pas.
Le Ministre portugais à notre micro a défendu une nouvelle initiative de son cabinet : offrir une bourse à chaque établissement pour favoriser les projets des élèves. En quelque sorte le Portugal va donner des moyens aux jeunes pour qu’ils entreprennent au sein de leur école.

Enfin pour clôturer ces deux jours de « concertation » le Premier ministre, Manuel Valls, annonça une revalorisation des salaires des enseignants du primaire. Alors véritable « re-fondation » de l’École de la République ou coup de com’ visant à mettre les fonctionnaires dans la poche avant 2017, c’est à vous d’en juger…

Image de couverture : Journées de la Refondation de l’École de la République © Bash/APJ