« Macron est ailleurs »
Le 19 avril dernier, rue Saint-Guillaume à Paris, adresse où se situe la prestigieuse école Sciences Po Paris, nos très chers amis de La Péniche et de Sciences Po TV recevaient en grande pompe le Ministre des Finances, Monsieur Michel Sapin.

Sapin a les boules
Dès l’entrée de jeu, « Michel », essuyant de bonnes vannes conifériques en lien avec son nom de famille, a donné le ton de la soirée. On l’aura tous compris Sapin n’est pas « En Marche ». Espiègle envers son voisin de palier à Bercy, le ministre, devant les étudiants de Sciences Po, s’est tout simplement lâché sur la personne d’Emmanuel Macron.
Macron a une belle gueule, il a un sourire craquant mais il doit servir sa tâche de ministre.
On connaissait le ministre collectionneur de pièces de monnaie (et oui un Ministre des Finances qui collectionne des pièces de monnaie cela ne s’invente pas), on connaissait moins Sapin rendre la monnaie de sa pièce à son collègue de l’Économie, mais on ne connaissait pas Sapin féru de télé-réalité. En effet quand un étudiant de Sciences Po évoque la question de Nabilla, qui « ne connaît pas El Khomri mais François Hollande et Michel Sapin ou des trucs comme ça ».
Le Ministre enchaine à gorge déployée :
Vous voyez, elle n’a pas dit Macron, hein ! Elle a dit Sapin ! Il faut que je lui téléphone… Allo quoi !
Macron, une obsession !
Macron tourne à l’obsession pour Sapin ! Il aura fallu attendre l’arrivée de François Lenglet, journaliste économique à France Télévisions, pour entendre le ministre sur des questions qui concernent la fonction qu’il occupe. Les sous-entendus de Sapin sont aussi clairs que de l’eau de roche. Lorsqu’on lui rappelle les propos de Robert Badinter, pour qui Emmanuel Macron « ne peut pas demeurer dans un gouvernement » en créant En Marche, Sapin acquiesce par « Badinter est un homme sage. ».
Mais les taquineries ne s’arrêtent pas là. Le 12 avril dernier, lors de notre rencontre avec M. Macron présentant son nouveau mouvement, celui-ci se félicitait de n’être « ni de gauche, ni de droite, ni du centre ». Questionné sur le positionnement de son collègue, Michel Sapin s’est montré particulièrement virulent en rétorquant :
le clivage fait le battement de la démocratie. Nier cela, c’est simplement être ailleurs. Mais on peut rêver…
Pour Sarkozy, Macron « a complètement perdu la boussole » et pour Sapin, Macron « est ailleurs ». C’est dire le niveau d’estime que la classe politique accorde à Emmanuel Macron.
Comme l’ont évoqué à maintes reprises les étudiants de Sciences Po, Michel Sapin est un homme bon et loyal, fidèle à ses amis. L’Assemblée en a eu pour preuve, Hollande attaqué de toute part s’est vu défendu par un Sapin rocardien, n’hésitant pas, dès que l’occasion s’y prêtait, de se moquer et de s’en prendre à Macron :
La nouvelle génération, ce n’est pas d’être immédiatement président de la République. Il faut être besogneux avant de pouvoir être Président.
Comme si cela ne suffisait pas, Sapin insiste, appuie, enfonce le couteau dans la plaie et fait la leçon à Macron qui, pour lui, manque de légitimité politique : « Parfois, aussi, se frotter au suffrage universel, c’est utile ». Par cette phrase, Sapin rappelle que Macron ne s’est jamais présenté à une quelconque élection, ce qui lui aurait permis d’assujettir son manque « d’expérience et de panache ». (N.D.L.R. : Sapin a été élu député à 28 ans). Pour conclure au sujet d’Emmanuel Macron, Sapin affirme : « La question du jeunisme me gêne un peu. Il y a des vieux qui sont tellement plus jeunes que les jeunes », de manière à ne pas laisser le monopole de la jeunesse à son collègue de l’Économie.
Pourquoi un tel acharnement sur l’ex-banquier de chez Rothschild ?
Il faut sauver le soldat Hollande ! Sapin estime même que le président de la République est « le meilleur à gauche, le moins mauvais pour certains ». Pour 2017, si François Hollande ne se présentait pas, à choisir entre Valls et Macron ? « J’aime ceux qui sont à gauche… », préfère répondre le ministre.
Un ministre (presque pas) à la page
Le Grand Oral prend fin, le ministre qui se refuse de s’inscrire sur Twitter se lève et accorde quelques selfies avec les jeunes. Au moment de s’engouffrer dans sa voiture, un groupe de manifestants de #nuitdebout bouscule le ministre en clamant des slogans anti-loi travail. Le départ du ministre fut précipité, même pas le temps de nous accorder un petit selfie… On reviendra va !
photo couverture : Photo by liewig christian/Corbis via Getty Images