La place des jeunes dans les formations politiques
On reproche souvent – et facilement – aux jeunes un désintéressement politique. En politique, les partisans de cette idée utilisent le taux d’abstention comme prétexte pour argumenter leur propos. Certes, l’abstention est plus élevée chez cette partie de la population que la moyenne : si 14 % des inscrits se sont abstenus à tous les scrutins – législatifs et présidentiels – de 2017, ce chiffre atteint 20,2 % pour les 18-24 ans et 24,2 % pour les 25-29 ans d’après l’Insee. Il est donc indéniable que les jeunes électeurs votent moins que leurs aînés, et certains se contentent simplement de cette comparaison pour décréter qu’ils n’accordent pas d’importance à la vie politique. Toutefois, on ne peut se satisfaire d’une telle analyse et ne voir dans ce taux d’abstention qu’un désintéressement. L’abstention est aussi militante, les votes blancs ou nuls n’étant pas comptabilisés dans le score final, certains électeurs préférent s’abstenir en attendant que ce soit le cas. Cette revendication se retrouve chez toutes les tranches d’âges confondues. Les jeunes sont tout de même mobilisés via l’action politique directe, à travers la manifestation. Sous la présidence d’Hollande, près de 24 000 jeunes ont manifesté contre la loi Travail le 5 avril 2016, selon le rapport du ministère. Les lycées – notamment parisiens – se sont mobilisés en organisant des blocus. Une grande partie des jeunes demeure donc engagée et politisée. Cependant, cette politisation ne passe plus forcément par l’adhésion à un parti politique comme c’était le cas pour les générations précédentes. On peut donc penser que c’est un conflit générationnel qui est à l’origine de cette différence d’interprétation. La perception de l’abstention comme étant du je-m’en-foutisme n’est peut-être due qu’à une connaissance trop partielle de la réalité : il ne faut pas oublier la dimension contestataire de l’abstention. Aussi, certains décident de s’engager dans des associations militantes, permettant une politisation sans s’engager dans un parti. En effet selon l’INJEP (Institut National de la Jeunesse Populaire) :
Un jeune sur deux en dessous de 25 ans consacre du temps volontaire ou bénévole à une action de solidarité nationale ou internationale, action éducative, sportive, culturelle, sociale ou sanitaire [en 2005].
Les sections jeunes dans les partis politiques, une différenciation inutile ?
Il convient de noter que les jeunes disposent d’une place à part en politique. Cette affirmation devient claire lorsque l’on constate que dans chaque grand parti politique, qu’ils soient de droite ou de gauche (PS, LR, FN, LFI, Les Verts, UDI…), les jeunes – selon une limite d’âge arbitraire qui est fixée entre 29 et 30 ans – sont relégués dans des mouvements spécifiques.
👉 En 2018, avec les @JeunesSocialist, c'est le temps des conquêtes ! 🕗 ✊🌱🌏 #LeTempsDesConquêtes pic.twitter.com/q99JVV14ju
— Les Jeunes Socialistes (@JeunesSocialist) January 1, 2018
Ainsi, chacun de ces partis a décidé de séparer les jeunes adhérents des autres membres. Le fait que cela se retrouve dans la majorité d’entre eux laisserait entendre que cette séparation est légitime voir évidente. Or comment justifier une telle ségrégation de la jeunesse dans ces mouvements ? Un avis ne devrait pas voir son importance varier selon l’âge de la personne qui l’émet. Le droit de vote s’obtenant à 18 ans, il devrait être possible d’adhérer à un parti sans être relégué dans une branche d’après le seul critère de l’âge.
Les @JeunesMacron de Paris et d'IDF sont présents au #SalonPostBac2018 dans le parc de la Villette pour:
🔵Infomer les lycéens
⚪Présenter #ParcoursSup
🔴Partager nos experiences sur l'orientation
Au plaisir de vous croiser aujourd'hui et demain! 😀 pic.twitter.com/ucRsRdbPJQ— Jeunes Avec Macron Paris (@JeunesMacron75) January 12, 2018
Par ailleurs, ces mouvements fonctionnent généralement selon deux modes différents. Soit ils sont autonomes et, dans ce cas, quel est l’intérêt d’avoir deux mouvements revendiquant la même idéologie et dont le seul critère de différenciation est l’âge ? C’est le cas pour le mouvement Les Jeunes Socialistes qui précisent être « autonomes du Parti Socialiste ». Soit ils sont soumis à un contrôle du parti : c’est le cas dans le mouvement le Front National de la Jeunesse dans lequel le président du mouvement est nommé par la présidente du Front National, les adhérents ne disposant donc même pas du droit d’élire leur président. Ainsi, il existe une infantilisation des jeunes adhérents.
Plus de 9,5 millions de Français vivent en surnombre dans des logements trop petits (+11,5% depuis 2006).
L'Etat doit immédiatement lancer un grand plan de construction de nouveaux logements, et appliquer la priorité nationale dans l'accès au logement social ! pic.twitter.com/h0uirRt4KT
— Gaëtan Dussausaye (@G_Dussausaye) January 30, 2018
Celle-ci est exercée sans aucune légitimité puisque ces membres disposent de leur citoyenneté au même titre que tout autre adhérent. Ayant acquis ses droits civiques, un jeune est supposé avoir le même poids que n’importe quel autre membre du parti. Dans le rôle attribué par les partis à leur mouvement jeune, on en vient à se demander si leur utilité se limite à un simple affichage politique. Selon un rapport datant de 2012 de l’INJEP, seuls 6 % des individus âgés entre 13 et 17 ans envisageaient d’adhérer à un parti politique. Ce très faible pourcentage montre clairement qu’une grande partie de la jeunesse ne se retrouvent pas dans le mode de fonctionnement des partis en général – et donc des mouvements jeunes qui y sont affiliés. Les partis doivent donc modifier leur fonctionnement s’ils veulent attirer la jeunesse qui ne peut être qu’un avantage par son dynamisme et son activité.
Quand les jeunes créent leur propre parti
De nouveaux partis ont été créés pour répondre à un besoin des jeunes d’être mieux entendus dans leur engagement politique. Des partis dirigés par des jeunes ont été fondés ces dernières années pour permettre à ceux-ci d’obtenir – enfin – le droit de parole nécessaire à leur engagement politique, sans que leur soit reproché leur manque d’expérience, ou qu’ils soient relégués dans des mouvements jeunes qui génèrent une forme d’infantilisation de leur engagement politique. Devant ces initiatives de jeunes qui prennent en main leur politisation, il est difficile de leur reprocher un désintérêt total concernant les affaires publiques. On peut penser au parti Nouveau Souffle qui a été créé en 2016 ou encore au parti Allons Enfants qui a lui été fondé en 2014.
C'est pas parce qu'on est jeune qu'on est con !
2017 fut extraordinaire grâce à VOUS.
2018 le sera tout autant ! #PrenezLePartiDeLaJeunesse pic.twitter.com/zd6x2GGNG8— Allons Enfants (@allonsenfants_) December 27, 2017
Le parti Allons Enfants est un parti uniquement géré par des personnes âgées de moins de 30 ans. Ce parti repose donc sur le principe inverse des mouvements jeunes, en ayant comme mouvement affilié Les aînés avec Allons Enfants. Il veut favoriser l’accès des jeunes en politique et porter la voix de la jeunesse ; il est ainsi transpartisan et regroupe des sensibilités différentes allant du parti Les Républicains à celui de la France Insoumise. Il prône une émancipation des jeunes, qui construisent leur programme dans un esprit participatif. Leur but est de proposer un nouveau fonctionnement en facilitant le renouvellement politique. Aux dernières élections législatives, Allons Enfants avait 60 candidats, toutefois aucun n’a été élu.
Baisse des APL, on nous dit que c'est «que» 5€ mais c'est déjà beaucoup ! 🤔 #APL pic.twitter.com/JeFCzZ1uQa
— Nouveau Souffle (@NouvSouffle) July 24, 2017
La création d’un tel parti illustre bien le fait que les jeunes ne sont pas bien intégrés au système politique. La moyenne d’âge des parlementaires – sachant que l’Assemblée n’a jamais été aussi jeune – est actuellement de 55 ans alors que la moyenne d’âge de la population adulte est de 50 ans.
Cet écart souligne les difficultés qui persistent pour les jeunes à pouvoir être élu. Le renouvellement politique n’est pas vraiment efficace, de nombreux politiques sont présents depuis plusieurs décennies, ceux-ci ont du mal à céder la place aux plus jeunes. On peut nuancer ce manque de renouvellement par la dernière élection présidentielle remportée par Emmanuel Macron à seulement 39 ans, ce qui est jeune pour un Président. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’on ne peut pas assimiler le Président à la génération jeune actuelle. Il reste donc légitime pour les jeunes de réclamer une plus grande place en politique : on ne peut leur reprocher constamment un manque d’expérience si on ne les laisse pas, justement, acquérir cette expérience.
image de couverture : © bash pour l’alter ego/APJ